
La constitution de l’infraction suppose un élément légal et un élément matériel.
Cet élément est l’attitude positive ou négative réprimée par la loi.
Il est matérialisé par l’agression contre les personnes en matière de coups et blessures ou d’homicide; l’accomplissement des manoeuvres frauduleuses ou l’usage d’un faux nom en cas d’escroquerie... Mais cet élément ne suppose toujours la réalisation d’un résultat pénal sauf si la loi le prévoit expressément.
L’application de l’élément matériel est subordonnée au passage à l’acte, c'est-à-dire à l’extériorisation des projets criminels.
L’impunité de la phase de la résolution criminelle et les actes préparatoires de l’infraction est justifiée par d’une part, l’absence du trouble à l’ordre social. D’autre part, ces actes sont très souvent équivoques pour les imputer à ses auteurs. Par conséquent, l’état dangereux n’est pas sanctionné en droit pénal selon la vision de M.M MERLE et VITU : « nul ne peut être puni que pour l’infraction qu’il a matériellement commise, et non pas en prévision de l’infraction qu’il risque de commettre ». Autrement dit, pas d’infraction sans activité matérielle. Mais, ce principe connaît des assouplissements et doit être entendu dans le sens du rétrécissement.
En effet, sous un angle préventif le législateur est venu à prévoir l’incrimination d’actes ou de situations d’état dangereux dans les phases préparatoires à condition qu’ils soient ostensibles. Exemple : menaces de mort, association de malfaiteurs, fabrication de faux.
Section I : Les modalités de l’élément matériel
Il n’existe pas d’infraction sans activité matérielle. Le droit pénal des sociétés démocratiques ne saurait incriminer une simple intention criminelle qui ne s’est pas concrétiser par une manifestation extérieure. Ce fait générateur de responsabilité pénale est indispensable pour sa formation. Il s’agit d’étudier le contenu des actes d’exécution de l’élément matériel de l’infraction ou de manière plus simple ses diverses manifestations ou formes. L’article 110 du Code pénal prévoit : « l’infraction est un acte ou une abstention contraire à la loi pénale et réprimé par elle ».
Paragraphe 1 : Les infractions de commission
Dans la plupart des cas, l’élément matériel de l’infraction est un acte positif, la loi pénale dans ce cas incrimine un acte positif ou un acte de commission. Exemple, l’empoisonnement, le délit de faux et l’usage de faux sont des actes de commission. Les paroles sont également considérées comme des actes de commission comme la diffamation. Parfois, les frontières entre la commission et l’omission sont difficiles à établir.
Exemple : la mort de la victime en cas de meurtre, peut résulter d’une simple abstention : un individu laisse la victime se noyer sans lui porter secours. La réponse à cet exemple trouve son fondement dans le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Les actes d’omission ne peuvent être réprimés que s’ils sont expressément incriminés par un texte spécifique. Il en résulte que la notion de commission par omission est rejetée car le Code pénal prévoit les cas des actes de commission et les cas des actes d’omission.
Paragraphe 2 : Les infractions d’omission
Ces infractions découlent d’une obligation de solidarité. Il faut aider son prochain en danger. Ce comportement moral signifie qu’il n’est pas possible de se désintéresser du sort malheureux d’autrui. Les infractions d’omission sont des comportements pénaux passifs. Par nature, une infraction d’omission sanctionne le non-respect d’une obligation de faire. Cette obligation est imposée préalablement par la loi. Les cas d’application des infractions d’omission prévues par le Code pénal sont, a titre d’exemple : L’omission de témoigner en faveur d’un innocent (article 378 du Code pénal), l’abandon de famille (article 480 du Code pénal)...
Section 2 : Les degrés de l’élément matériel
L’absence d’un résultat des actes criminels faute d’exécution complète (tentative interrompue) ou la réalisation du but de l’infraction (tentative infructueuse qui correspond à l’infraction impossible ou manquée) soulèvent plusieurs questions quant à leur nature juridique et partant quant à la nécessité ou non de les réprimer.
Deux conceptions opposées s’expriment sur la bonne façon d’appréhender la commission incomplète de l’infraction. La conception objective d’inspiration allemande considère que la tentative en générale n’est pas punissable. Seule l’infraction constituée et punissable qu’en fonction de sa manifestation et du trouble social qui en découle. Contrairement, dans la conception subjective d’inspiration italienne, on s’attache surtout à l’état dangereux des délinquants. Par conséquent, toutes les tentatives devraient être punissables au même titre que l’infraction consommée.
Paragraphe 1 : L’incrimination de la tentative
L’article 114 du Code pénal prévoit : « Toute tentative de crime qui a été manifestée par un commencement on par des actes non équivoques tendant directement à la commettre, si elle n’a été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est assimilée au crime consommé et réprimée comme tel ». Il en résulte pour incriminer la tentative, il faut un commencement d’exécution, un désistement involontaire et une intention coupable. Parallèlement la tentative de délit n’est punissable que dans les cas expressément énumérés par la loi (article 115 du Code pénal) et elle n’est jamais punissable en matière de contravention (article 116 du Code pénal).
1- Le commencement d’exécution
Le commencement d’exécution pose un sérieux problème essentiellement quand il s’agit de le distinguer des actes préparatoires qui restent impunis sauf s’ils sont érigés en infraction distincte (association de malfaiteurs). Il n’y a pas de tentative punissable si le processus criminel est interrompu au cours de la phase de préparation de l’infraction. Cette solution est tout à fait justifiée pour deux raisons. En premier lieu, un acte préparatoire est par nature équivoque : on peut acheter une arme pour commettre un meurtre, mais également pour se protéger, aller à la chasse...En second lieu, entre un acte préparatoire et la commission de l’infraction, le délinquant peut revenir sur son intention criminelle.
Parfois, la distinction entre les deux est délicate à cerner. Selon les juridictions pénales, il y’a commencement d’exécution lorsque « l’acte tend directement au délit » ou « doit avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime, celui-ci étant entré dans sa période d’exécution ».
En fonction de ces définitions, la tentative nécessité deux éléments constitutifs :
Elément objectif : Il est nécessaire que l’acte tende directement à la commission de l’infraction. Ainsi à titre d’exemple : la tentative de vol à main armée a pu être retenue a l’encontre de malfaiteurs armés et cagoulés, interpellés alors qu’ils s’approchaient d’un bureau de poste (Crim. 19 juin 1979, Bulletin criminel n° 219). Exemple : Il est désormais jugé qu’une fausse déclaration de sinistre constitue le commencement d’exécution d’une escroquerie à l’assurance (Crim. 22 février 1996, Bulletin criminel n° 89).
Elément subjectif : L’acte doit par ailleurs être accompli avec l’intention irrévocable de commettre l’infraction. Les tribunaux peuvent déduire cette intention du caractère non équivoque de l’acte lui-même. Exemple : une personne embusquée et munie d’un fusil pour
2-Le désistement involontaire
Aux termes de l’article 114 du Code pénal, un commencement d’exécution ne peut constituer une tentative punissable que s’il a été interrompu par « des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ». Si ce dernier renonce volontairement à son entreprise criminelle quelque soient les motifs de son renoncement (pitié, remord, crainte de la prison...), il ne tombe pas sous le coup de la loi pénale. Le désistement entraîne l’impunité à la double condition qu’il soit antérieur à la consommation de l’infraction. Il en résulte que le délinquant qui après entièrement accompli l’infraction, s’efforce d’en réparer les conséquences par le repentir actif demeure punissable. En revanche, il n’y a pas au contraire interruption volontaire lorsque la tentative est suspendue par un événement extérieur et contraignant tel que l’intervention de la police ou d’un tiers qui réussissent à neutraliser le malfaiteur ou encore la résistance de la victime.
Au niveau de la répression, la tentative est réprimée comme le crime consomme.
Toutefois, la tentative de complicité ne tombe pas sous le coup de la loi en vertu de l’interprétation restrictive de la loi pénale.
Paragraphe 2 : L’infraction impossible et l’infraction manquée
Il s’agit de cas assimilés à la tentative, dans lesquels l’agent a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que l’infraction se réalise, mais celle-ci a échoué indépendamment de sa volonté et sans intervention extérieure. Ils répondent à deux séries de situations.
L’article 125 du Code pénal donne des exemples ou la légitime défense est présumée. D’une part, il s’agit de l’homicide commis; les blessures faites ou les coups portés, en repoussant, pendant la nuit, l’escale ou l’effraction des clôtures, mûrs ou entrée d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances. D’autre part, l’alinéa 2 du même article étend la légitime défense à l’infraction commise en défendant soi-même ou autrui contre l’auteur de vols ou de pillages exécutés avec violence.
De nombreuses difficultés pratiques sont soulevées par l’emploi de dispositifs automatiques de protection pour protéger les maisons. La raison d’hésiter à admettre la légitime est que la légitime défense paraît supposer une riposte personnelle, consciente et réfléchie.
Paragraphe 3 : L’état de nécessité et le consentement de la victime
L’état de nécessité peut être défini comme la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n’a d’autre ressource que d’accomplir un acte défendu par la loi pénale. Il permet à une personne de commettre une infraction lorsque celle-ci est nécessaire pour éviter la réalisation d’un dommage aussi grave ou plus grave que celui qui résultera de l’infraction. Exemple : un passager qui casse la porte d’un parking pour éteindre le feu qui a commencé à ravager une partie de ce parking.
Dans la première hypothèse, l’élément matériel de l’infraction est intégralement accompli avec l’intention requise mais l’action n’a pas produit le résultat voulu en raison d’une défaillance quelconque. Dans la seconde hypothèse, l’agent a mis en œuvre tout ce qui était nécessaire pour réussir mais l’infraction était vouée à l’échec pour une raison dont il n’était pas informé.
1- L’infraction manquée ou infructueuse
La loi traite la tentative au même titre que l’infraction manquée. L’article 114 du Code pénal : « ...tentative...si elle n’a été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur...» Il y a pourtant une différence notable entre la tentative manifestée par un commencement d’exécution et interrompue à ce moment là et l’infraction manquée. Cette infraction exprime la volonté de l’agent d’aller jusqu’au bout pour perpétrer l’infraction et que celle-ci n’a manqué son but que par la suite de circonstances indépendantes de sa volonté. Autrement dit, le résultat de l’infraction n’a pas été atteint bien que tous les actes matériels aient été accomplis par le délinquant.
Exemple : une personne qui à l’intention de tuer tire un coup de fusil contre sa victime mais manque sa cible ou lorsque la victime atteinte par le coup de feu survit à ses blessures.
En principe, l’infraction manquée ou la tentative interrompue restent punissables des mêmes peines que l’infraction consommée.
2-L’infraction impossible
L’infraction impossible correspond à la situation dans laquelle le délinquant ne parvient au résultat recherché en raison d’une impossibilité matérielle dont, par définition, il ignorait l’existence. Cette catégorie d’infraction correspond à la tentative prévue par l’article 117 du Code pénal : « La tentative est punissable alors même que le but recherché ne pouvait être atteint en raison d’une circonstance de fait ignorée de l’auteur ». Exemple : le pickpocket qui glisse sa main dans une poche vide. Exemple : le médecin qui tente d’avorter une femme non enceinte. En pratique cette distinction n’a pas un intérêt pratique puisque le législateur marocain assimile l’infraction impossible à la tentative. La jurisprudence considère qu’il s’agit d’une tentative infructueuse qui doit être réprimée.
Section 3 La classification fondée sur l’élément matériel
La classification fondée sur l’exécution matérielle de l’infraction se réfère à la durée, la répétition des actes de l’infraction matérielle par rapport au résultat obtenu.
Paragraphe 1 : Infraction instantanée et infraction continue
Une infraction peut être exécutée dans un laps de temps bref comme elle peut durer un certain temps voire des années.
Exemple 1 : le vol et le meurtre sont considérés comme des infractions instantanées car elles supposent un simple geste.
En revanche, le recel, la séquestration arbitraire... sont des infractions continues car elles supposent l’écoulement d’un certain temps.
La distinction entre les deux infractions réside dans la durée ou le temps nécessaire à la réalisation de l’infraction. Le problème se pose pour distinguer l’infraction continue de l’infraction continuée ou successive. Cette dernière se déroule sur un certain temps comme le cas du vol d’une grande quantité de denrée par petites quantités ou l’empoisonnement à petites doses. Il s’agit d’une infraction instantanée qui se caractérise par l’unité de but et des moyens d’action. En revanche l’infraction continue se caractérise par un seul acte d’exécution qui nécessité un certain temps.
Paragraphe 2 : Infraction simple et infraction d’habitude et complexe
L'infraction simple est une infraction dont la consommation suppose l'accomplissement d'un acte unique. La plupart des infractions sont des infractions simples : exemple : diffamation. L’infraction simple nécessite un seul type d’opération matérielle. L’unicité de sa commission l’oppose à l’infraction d’habitude, tandis que l’unité de sa consistance (son contenu) l’oppose à l’infraction complexe.
Quant à l’infraction complexe dont la consommation suppose l’accomplissement de plusieurs actes matériels qui ont une nature différente. Exemple; l’escroquerie nécessite l’usage de faux, des manoeuvres frauduleuses... L'infraction ne sera considérée comme accomplie que si les deux actes ont été consommés et que la remise de la chose à l'escroc par la victime a été effectuée.
L'infraction d'habitude est une infraction dont la consommation exige l'accomplissement de deux actes de même nature par une même personne. L'infraction ne sera consommée qu'au moment on le deuxième acte sera accompli. L’habitude est un élément de la consommation ou un élément constitutif de l’infraction. Il ne faut pas la confondre avec la récidive qui se définit par la répétition des faits criminels après une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée.
La jurisprudence fixe l’habitude au nombre de deux actes successifs mais ne dit rien sur le délai qui doit séparer les actes. Exemple : l’exercice illégal de la médecine.
La jurisprudence fixe l’habitude au nombre de deux actes successifs mais ne dit rien sur le délai qui doit séparer les actes. Exemple : l’exercice illégal de la médecine.
Paragraphe 3 : Infractions formelles et infractions matérielles et infractions obstacles
Les infractions matérielles et les infractions formelles supposent l'accomplissement d'un acte matériel. La distinction est fondée sur la nécessité ou non de la réalisation d'un résultat. Une infraction matérielle est une infraction dont la réalisation suppose un dommage. C'est pourquoi on l'appelle aussi « infraction de résultat ». La plupart des infractions sont des infractions matérielles. Exemple : la banqueroute, l’abus de biens sociaux, le délit d’initié...
A l’inverse, une infraction formelle est une infraction consommée par le seul accomplissement de l'acte incriminé, même s'il n’a commis aucun dommage. On parle aussi d'« infraction de moyen ». Ces infractions sont réprimées indépendamment de son résultat éventuel. Les plus connues des infractions formelles est la corruption, l’empoisonnement. Comme les infractions formelles, les infractions obstacles s’analysent en un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable. Elles diffèrent par le fait que le résultat s’il se produit caractérise une autre infraction. Ainsi, en réprimant le comportement initial, le législateur entend en effet faire obstacle à la commission de cette seconde infraction. Exemple : la menace, l’association de malfaiteurs, le port illégal d’arme, le complot...
Par ailleurs, lorsque le résultat recherché par l’auteur de l’infraction obstacle est effectivement atteint, plusieurs situations peuvent être distinguées. Soit l’infraction obstacle disparaît (la menace de mort se concrétise et devient homicide volontaire), soit les deux infractions sont constituées (menaces et violences). Il arrive également que l’infraction obstacle devienne la circonstance aggravante de l’infraction : la conduite en état alcoolique est une circonstance aggravante de l’homicide involontaire de même de l’association de malfaiteurs.