
Les monopoles de l'établissement de crédit
Paragraphe 1 : les 2 monopoles
•Le législateur a instauré un double monopole, celui des opérations et celui de dénomination.
•le monopole des opérations
•Le monopole des opérations de crédit est énoncé à l’art 12 de la loi 2006 : « il est interdit à toute personne non agréée en qualité d’établissement de crédit d’effectuer à titre de profession habituelle, les opérations visées à l’art 1er, il est en outre interdit à toute autre entreprise qu’un établissement de crédit de recevoir du public des fonds à vue ou d’un terme égal ou inférieur à 2 ans »
•Ces 2 alinéas consacrent le monopole des banques dont on sait qu’il n’est pas un privilège accordé aux établissements de crédit, mais constitue les moyens dont l’Etat s’est doté pour mieux contrôler toute l’activité bancaire.
•La rigueur du monopole est différente selon la nature des opérations, une distinction est imposée par le texte même de l’art 10, entre les opérations de banque en général et la réception des fonds du public.
•A moins de 2 ans de terme, les établissements de crédits eux-mêmes n’échappent pas à l’obligation de respecter le monopole pour les opérations que l’agrément a exclu du champ d’activité. De façon générale et aux termes de l’art 27 : « les opérations de banques ne peuvent être accomplies à titre habituel par une pers qui n’est pas agréée comme établissement de crédit. Il doit s’agir d’opérations de banque telle que définie aux arts 2, 3,4 de la loi. Ainsi, les opérations de crédit à titre gratuit peuvent être accomplies à titre habituel mais l’art 3 définit l’opération de crédit par son caractère onéreux. »
•L’habitude suppose la répétition et celle-ci commence dès le 2ème acte. L’habitude n’applique pas une organisation de type professionnel. Il faut à cet égard observer la différence de rédaction entre l’art 1 et l’art 3, seul l’accomplissement de l’opération de banque à titre de profession habituelle peut conférer (sous réserve d’agrément) la qualité d’établissement de crédit.
•La profession suppose une organisation. Le monopole des établissements de crédit est renforcé par l’art 11 de la même loi lorsqu’il s’agit de la réception des fonds du public, ce titre prohibe même à titre occasionnel la réception du public à vue ou à terme inférieur ou égal à 2 ans, sont seuls habilités..
Trois remarques permettent de cerner la portée de cette prohibition :
•réception de fonds du public à plus de 2 as de terme est possible à titre occasionnel. Elle demeure interdite à titre habituel comme tout autre opération de banque.
•Cet art vise les banques et donc les entreprises sociétaires et à contrario, il est permis à un particulier de recevoir des fonds du public à moins de 2 ans de terme à titre occasionnel.
•Enfin, il faut rappeler que l’autorisation donnée par la loi à certaines personnes de prêter des fonds à une autre personne vaut autorisation pour l’emprunteur de recevoir les mêmes fonds.
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•L’agrément peut limiter les opérations que l’établissement de crédit est autorisé d’accomplir, c’est le cas des sociétés de financement, art 11, alinéa 2.
•Si cet établissement étend cette activité au-delà des limites qui lui sont assignés, il enfreint le monopole et encourt les sanctions pénales, disciplinaires et civiles.
II- le monopole de dénomination
•Le monopole des opérations de banques se double d’un monopole de dénomination afin d’éviter que le public soit trompé.
•La violation de ce monopole est sanctionnée par l’art 135 de la loi. Cette sanction vise celui qui utilise indûment une dénomination commerciale, une raison sociale, une publicité et de manière général toute expression faisant croire qu’elle est agréée en tant qu’établissement de crédit ou entretient sciemment dans l’esprit du public une confusion sur la régularité de l’exercice de son activité. La sanction vise également celui qui utilise tout procédé ayant pour objet de créer un doute dans l’esprit du public quant à la carte d’établissement public au titre de laquelle il a été agréé
Paragraphe 2 : dérogation aux monopoles
•Le monopole de dénomination ne comporte aucune dérogation, par contre, le monopole des opérations n’est supportable que dans la mesure où le législateur a su prévoir des dérogations qu’a imposé la logique des exigences sociales et la vies des affaires.
•Tels sont les 3 critères qui expliquent et justifient les dispositions de l’art 12 et 16 de la loi. Ces dispositions comme tous les textes prévoyant les dérogations sont d’interprétation stricte.
•Les exigences logiques : logiquement, il était nécessaire que le législateur permette aux établissements, que l’art 16 classe en dehors du champ de la loi bancaire, d’accomplir les opérations de banque.
•Il s’agit de banque AL-MAGHREB et de la trésorerie générale. De même, il fallait écarter tout risque d’infraction pour les entreprises qui par la nature de l’activité occupe un secteur très voisin de la banque et peuvent accomplir les opérations relevant du monopole. Il s’agit des entreprises d’assurance et de réassurances régies par la loi 17-99 portant code des assurances et les organismes de prévoyance et de retraite.
•Ces exigences sociales, elles expliquent que pour certaines entreprises sont pour l’activité soustraite par l’art 16 à l’obligation de respecter le monopole bancaire. Ainsi, l’interdiction relative aux opérations de crédit ne s’applique pas :
•-aux organismes à but non lucratif qui dans le cadre de leur mission ou pour des raisons d’ordre social accorde sur leur ressource propre des prêts à condition préférentielle aux personnes qui peuvent en bénéficier en vertu des statuts de ces organismes.
•Le fonds Hassan II pour le développement économique et social régi par la loi 36-01, les instituts financières internationales, les organismes publics de coopération étranger, autorisés par une convention conclue avec le gouvernement du royaume du Maroc a exercé une ou plusieurs opérations visées à l’art 1er de la loi.
•Les exigences de la vie des affaires voir simplement de commerce, justifie que les opérations prévues à l’art 12 échappent au monopole consacré par le même art. Ainsi, d’après le même art : « toute personne quelque soit sa nature peut pratiquer les opérations suivantes :
•-consentir à ses contractants dans l’exercice de son activité professionnelle des délais ou des avances de paiement notamment sous forme de crédit commercial.
•-conclure des contrats de location de logement assorti d’une option d’achat
•-procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elles directement ou indirectement des liens de capital conférant à l’une d’elle un pouvoir de contrôle effectif sur les autres.
•-émettre des valeurs mobilières ainsi que des titres de créances négociables sur un marché réglementé, consentir des avances sur salaire ou des prix à ses salariés pour des motifs d’ordre social.
•-émettre des bons ou des cartes délivrées pour l’achat auprès d’elle-même de biens ou service déterminés.
•-prendre ou mettre en pension des valeurs mobilières inscrites à la côte de la bourse des valeurs des titres de créance négociable ou des valeurs émises par le trésor.
•Les opérations de trésorerie entre sociétés liées appellent quelque explications apparemment l’alinéa 3 de l’art 12, écarte toute infraction au monopole des établissements de crédit pour les opérations de trésorerie entre la société d’un même groupe.
•Ces textes soulèvent 2 difficultés d’interprétation l’une à trait au lien qui existe entre les sociétés, l’autre à la notion d’opération de trésorerie. Un lien en capital est nécessaire entre les sociétés (art 18) sur la loi …(de 0%à10%=un placement,, 10%à50=une participation,,+de 51%=filialisation)
•Une notion étroite et juridique doit être retenue manifestement du capital social. Dès lors les apports en compte courant d’associés, des prêts et participations ne sauraient créer un lien de nature à autoriser des opérations des trésoreries. Il n’est pas nécessaire que ce lien en capital soit doublé d’un lien économique (il ne faut pas qu’il y ait un conglomérat). Il n’est pas exigé que le groupe forme une unité économique homogène que les sociétés qui le composent aient des activités économiques complémentaires. Ce lien en capital peut être direct ou indirect. Le caractère indirect du lien résulte de l’interposition d’une société entre celle qui accomplit l’opération de trésorerie. Ainsi le lien existe entre la société mère et une société petite fille, ou entre 2 sociétés sœurs, peu importe le nombre de sociétés interposées, peu importe également la nationalité des sociétés qui composent le groupe.
•Ce lien en capital doit conférer à l’une des sociétés du groupe un pouvoir de contrôle effectif sur les autres. Il s’agit de la possibilité assurée et stable de décider du sort économique et financier des sociétés contrôlées.
•-l’opération de trésorerie ne fait l’objet d’aucune obligation légale. Il s’agit d’une notion économique et non juridique que la doctrine s’efforce de cerner. Il ne faut pas cantonner les opérations de trésorerie dans les domaines de court terme. Le législateur a voulu faciliter une bonne gestion de ressource financière de groupe.
•Ces ressources, ces excédants monétaires peuvent à long terme et il ne peut pas être interdit de les employer à long terme dans une société de groupe. Peu importe l’origine de l’excédant monétaire, ça peut être des bénéfices apports des actionnaires, réalisation de certains actifs, emprunts (la loi ne fait aucune restriction).
•L’opération de trésorerie n’exige pas un flux monétaire immédiat. Le flux peut être simplement potentiel (comme c’est le cas pour le cautionnement). Enfin, il ne faut pas réduire les opérations de trésorerie aux seules opérations de crédit, les opérations de compensation de même groupe constitue aussi des opérations de trésorerie entre société.
Paragraphe 2 : sanctions et limites du monopole
•Toute infraction au monopole des opérations ou au monopole des dénominations est susceptible d’entraîner les sanctions disciplinaires, civiles ou pénales.
•Les sanctions pénales :
•Au terme de l’art 135 de la loi 2006 : « est puni d’un emprisonnement de 3 mois à un an et d’une amende de 5000 à 100 000 DH ou l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui agissant pour son compte ou pour le compte d’une personne morale :
–utilise indûment une dénomination commerciale, une raison sociale, une publicité et d’une manière générale toute expression faisant croire qu’elle est agréée en tant qu’établissement de crédit ou entretient sciemment dans l’esprit du public une confusion sur la régularité de l’exercice de son activité.
–Utilise tout procédé ayant pour objet de créer un doute dans l’esprit du public quant à la catégorie de l’établissement public au titre de laquelle elle a été agréée »
C’est une obligation juridique et non morale, c’est pourquoi elles sont assorties de peines.
Au terme de l’article 136 de la même loi : « est puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de 10 à 1 million, ou l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui :
- effectue à titre de profession habituelle, les opérations visées à l’art 1er de la loi ci-dessus, sans avoir été dûment agréée en tant qu’établissement de crédit
- effectue à titre de profession habituelle sans avoir été dûment agréé l’une des activités visées aux alinéas 5,6 et 7 de l’art7
- effectue des opérations pour lesquelles cet établissement n’a pas été agréé. »
Les sociétés de financement doivent respecter le contenu de l’agrément à défaut, elles tombent sous le régime de cet art. La personne morale peut être sanctionnée en retenant des amendes, sinon la dissolution.
•La fermeture de l’établissement et la publication du jugement doivent être ordonnées par le tribunal (art 137). La loi ne précise pas les conditions de mises en oeuvre de poursuite. Celles-ci sont donc soumises au droit commun (règles de procédure pénale)
•Les sanctions disciplinaires :
•S’agissant des sanctions disciplinaires, l’établissement de crédit peut se voir interdire ou restreindre l’exercice……………, Ex, limitation de l’agrément, retirement de l’agrément s’il enfreint les limites qui lui sont signalés ou use d’une dénomination à laquelle il n’a pas droit. Ces sanctions disciplinaires seront prononcées par le gouverneur de banque AL MAGHREB après avis de la commission de discipline des établissements de banque (art 21 et 133)
•Les sanctions civiles :
•Il faut préciser que les opérations accomplies en violation du monopole, sont nulles d’une nullité absolue qu’on conclut en violation d’une règle publique qui protège non seulement l’intérêt général et celui des établissements de crédit mais aussi celui des épargnants