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Gestation des systèmes constitutionnels: La Grande-Bretagne

Les systèmes constitutionnels britannique, français et américain, possèdent en commun des idéaux et des institutions qui leur sont propres et qui les unissent : l’affirmation du pluralisme, des mécanismes spécifiques d’expression des choix, l’organisation d’institutions équilibrées et limitées et la subordination de l’autorité publique à des règles supérieures.

Les systèmes constitutionnels britannique, français et américain, possèdent en commun des idéaux et des institutions qui leur sont propres et qui les unissent : l’affirmation du pluralisme, des mécanismes spécifiques d’expression des choix, l’organisation d’institutions équilibrées et limitées et la subordination de l’autorité publique à des règles supérieures.
Dans les sections qui vont suivre, on examinera successivement la trajectoire constitutionnelle de chaque pays  et comment sont mis en place les règles de séparation des pouvoirs, de légitimité et les mécanismes d’ouverture des systèmes constitutionnels.
Gestation des systèmes constitutionnels: La Grande-Bretagne
Ce pays entame très tôt son processus de développement politique. Un certain nombre de règles et principes vont amorcer le processus de mise place d’une monarchie constitutionnelle.

Le processus de constitutionnalisation
La Grande-Bretagne, dont la constitution est non écrite[2], entame très tôt sa marche vers la mise en place d’un Etat de droit[3]
La Magna Carta inaugure en 1215 cette tendance à l’édiction des règles juridiques de caractère impersonnel, général et impartial. 
L’habeas corpus est élaboré en 1679 et le Bill of rights (1689) à la suite de  la révolution de 1688 œuvrent aussi dans ce sens.
L’importance du Bill of Rights réside dans le fait qu’elle instaure la Souveraineté de la Loi. 
Celle-ci s'impose au Roi comme à tous ses Sujets. 
Elle instaure aussi le principe du consentement du Parlement à l'impôt, de son consentement pour lever et/ou entretenir en temps de paix une armée, l'illégalité de la suspension par le Roi[4], sans l'autorisation du Parlement, des lois et/ou de leur application ; le droit de pétition des Sujets, l'interdiction des cautions, amendes, punitions anormales, excessives et/ou cruelles, la primauté de la Religion protestante, que les élections au Parlement doivent être libres, que la liberté de parole, de débat et de procédure au Parlement, ne peut être mise en cause devant aucune juridiction ou aucune institution extra-parlementaire, que le Parlement doit se réunir fréquemment.
La vie politique en Grande Bretagne a commencé à s’organiser  dès le treizième siècle. 
C’est ainsi qu’en 1259 (les Statuts d'Oxford), un Parlement féodal[5] permanent est institué auprès du Roi, qui est élargi à la petite noblesse et aux bourgeois en 1265.
Cette évolution sera aussi enrichie au  14ème siècle. Pendant ce siècle, les représentants des communes siègeront  dans ce parlement en éliminant la noblesse (Lords) et les seigneurs[6].  
Et c’est ce parlement qui obligera le monarque à accepter le Bill of Rights. 
Cette loi (Bill) deviendra le fondement de la monarchie constitutionnelle. 
Le parlement dans la tradition britannique est  une institution souveraine[7]
Chaque Chambre est libre de voter son règlement intérieur. 
Le pouvoir du monarque est  réduit par des conventions. 
Et c’est depuis 1910 qu’il ne peut agir que  suivant l’avis du gouvernement.

Acteurs politiques
La division de l’opinion anglaise en deux tendances remonte au milieu du XVIIème siècle (1648), à la suite de la révolution. 
Cette division tient surtout à des oppositions de caractère religieux. 
Les puritains attaquent l’église anglicane et la survivance des habitudes romaines qu’on y reconnaît. Ils s’opposent, en même temps, à l’absolutisme monarchique et  défendent le règne de la loi. 
En revanche, les partisans du roi soutiennent l’Eglise anglicane et défendent la prérogative royale contre le parlement[8]
Par ailleurs, l’extension du droit de suffrage à partir de 1832 et l’utilisation du scrutin majoritaire à un tour favorisent l’émergence et le maintien du système de partis britannique (two-party system)[9].
Jusqu’en 1906, les conservateurs et les libéraux (successeurs des tories et des whigs) alternent au pouvoir. Entre 1922 et 1935, les travaillistes[10] (adossés au Trade Union Congress ) supplantent le parti libéral.
Le système bipartisan britannique assume avec efficacité l’encadrement aussi bien du corps électoral que de ses représentants au moment de la consultation électorale. 
Les partis sont, d’une façon quasi absolue, maître de la présentation des candidats. 
Les candidatures indépendantes sont pratiquement impossibles en raison des frais élevés que les campagnes électorales exigent.
Ce bipartisme procure une stabilité au système d’alternance. 
Et dès lors qu’un gouvernement  dispose de la majorité à la Chambre des Communes, il dispose de la même durée de vie. 
Il est exceptionnel dans ces conditions qu’un premier ministre change en cous de mandat ou qu’un cabinet minoritaire demeure au pouvoir.



[2]Par convention de la Constitution (convention of the Constitution) les britanniques entendent toute pratique constitutionnelle largement acceptée qui devient répétitive de telle sorte qu'un consensus apparaît. 
Ainsi, jusqu'en 1800 environ, les ministres sont nommés par le Roi, puis la pratique s'instaure de ne nommer que des ministres qui puissent disposer du soutien d'une majorité parlementaire, puis le Premier ministre est choisi au sein de la Chambre des Communes, puis le Premier ministre est le leader du parti qui détient dans cette Chambre la majorité. Ou, encore, le fait que le Monarque ne puisse agir que suivant l'avis du Gouvernement date d'une convention de1910.
Une convention n'est donc jamais définitive.

Une convention peut être légalisée : l'existence du Premier ministre a été consensuelle jusqu'en 1937, date à laquelle son existence a été institutionnalisée par une loi.
Actuellement relève de la convention : l'existence du Cabinet et son organisation, le principe de la responsabilité collective du Cabinet devant la Chambre des Communes, le choix du Premier ministre et du Cabinet dans la majorité parlementaire, la plupart des droits et privilèges reconnus à l'opposition parlementaire.
[3] Dès 1215, les Anglais obligèrent leur roi Jean sans Terre à signer une "Grande Charte des libertés d'Angleterre" - Carta Magna - qui limite l'arbitraire royal: le roi ne peut ni bannir, ni arrêter, ni emprisonner ses sujets comme il l'entend. Cependant cette Charte ne prévoyant aucune disposition pratique, ses articles sont diversement respectés.
Il faudra attendre presque cinq siècles pour que soit mis en place un véritable mécanisme de protection des libertés individuelles, une procédure précise. C'est l'objet de la loi de 1679, dite Habeas corpus Act - l'ordre de présentation délivré par un grand juge du pays et remis au gardien de la prison s'appelle un écrit d'habeas corpus ad subjiciendum, locution latine signifiant "que tu aies ton corps pour le produire devant la justice".
Les dispositionsles plus significatives de cet Act (texte de loi) qui, en interdisant toute arrestation arbitraire, protège la liberté individuelle, sont les suivantes :
aprèsarrestation, tout prisonnier, personnellement ou par l'entremise de ses amis, peut adresser une demande d'habeas corpus aux services de la justice,
les services de la justice envoient aux services de la prison un writ (acte délivré par la juridiction compétente pour enjoindre à celui qui détient un prévenu de le faire comparaître devant le juge ou devant la cour, afin qu'il soit statué sur la validité de son arrestation),
cet acte oblige les services de la prison à présenter dans les trois jours le prisonnier devant le tribunal,
le tribunal examine le cas du prisonnier et vérifie les charges retenues contre lui. Il peut décider en fonction de ces charges: de maintenir l'emprisonnement; de libérer le prisonnier sous caution; d'acquitter le prisonnier.
[4] En 1701, par l'Acte d'Etablissement (The Act of Settlement), les règles de la succession au trône sont définies : exclusion des catholiques ou des protestants mariés à un catholique ; règle de primogéniture pour les descendants mâles et sinon pour les filles ; obligation de prêter serment afin de reconnaître le Bill of Rights.
[5] En 1628 le Roi Charles  Stuart (1600-1649), sur la pression de la Chambre des Communes (House of Commons), dut signer la Petition of Rights, Pétition des Droits. Ce texte exige qu'aucun impôt ne soit établi sans le consentement du Parlement et que cessent les arrestations et détentions illégales. Elle interdit le recours à la loi martiale en temps de paix et la conscription forcée.
[6] C'est au XVIème siècle, avec la victoire de la Réforme sur le Catholicisme et l'établissement de la religion d'Etat, l'Eglise anglicane (1534), que la Magna Carta fut interprétée par les bourgeois comme étant la reconnaissance des droits individuels de tous les propriétaires.
[7] Le droit du Conseil de l'Europe, créé en 1949 le Conseil de l'Europe est l'organisation européenne de coopération politique qui a notamment pour objectif d'assurer la sauvegarde et le développement des Principes démocratiques fondamentaux.  Signée à Rome le 4 novembre 1950, la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales organise une garantie juridictionnelle des droits qu'elle proclame, qui concernent les libertés publiques individuelles classiques, déjà proclamées dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 mais qui trouvent ainsi leur pleine reconnaissance et application juridiques. Le Royaume-Uni est membre du Conseil de l'Europe et est donc soumis à son droit.
[8] Whigs et tories ; les cavaliers qui défendent le roi sont surnommés tories du nom des brigands irlandais qui attaquaient les colons protestants et, cela, pour marquer qu’ils n’étaient que des catholiques camouflés, aristocrates et propriétaires fonciers, défendant le roi et l’église.  De l’autre côté, les têtes rondes de Cromwell qui protègent le parlement contre le roi, les libertés civiques et la liberté religieuse (sauf toutefois pour les papistes), comprennent certains nobles, des propriétaires, des hommes d’affaires, des marchands de Londres. Ils sont surnommés wiggamores ou whigs, du nom d’un groupe de paysans presbytériens de l’ouest de l’Ecosse.
[9] Le système politique du Royaume unis se ramène au gouvernement d’un parti sous le contrôle de l’opposition et l’arbitrage de l’électeur. La séparation des pouvoirs législatif et exécutif est très discutable. Les partis politiques anglais sont rivaux et associés. Ils se donnent la main pour que le jeu politique soit correctement joué.
[10] Le Labour Party a été crée en 1906. C'est aux élections de 1922 que le parti travailliste obtient de meilleurs résultats que les libéraux (142 députés travaillistes, 115 députés libéraux). De 1922 à 1935 le Royaume Uni connaît le tripartisme. Puis, le scrutin uninominal majoritaire à un tour jouant son rôle éliminatoire, le parti libéral, bien que conservant des voix, perd toute possibilité d'accéder au pouvoir (aux élections de 1964 les libéraux obtiennent 11,2% des suffrages exprimés mais seulement 9 sièges sur 630, soit 1,42% des sièges).

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