
Par LOMBI MUFURI Franklin, doctorant en droit public et sciences politiques
Bienvenue chers étudiants et passionnés de droit sur Juristudes ! Aujourd'hui, nous allons explorer un domaine du droit international d'une importance capitale : la justice pénale internationale. Ce champ juridique complexe vise à garantir que les auteurs des crimes les plus graves ne restent pas impunis, contribuant ainsi à la prévention des atrocités et à la construction d'un monde plus juste.
Dans ce cours détaillé, nous remonterons aux origines de cette justice transnationale, analyserons les institutions clés qui la composent, et examinerons les défis et les principes qui la régissent.
I. Les Origines et l'Émergence d'une Justice Internationale
L'idée d'une justice pénale internationale n'est pas nouvelle, elle a émergé après la Première Guerre mondiale. Cependant, il a fallu attendre la fin du second conflit mondial pour voir la concrétisation de cette ambition. En 1945, les premières instances internationales de justice pénale ont été établies : les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo. Leur mission était de juger les crimes de guerre, les crimes contre la paix et les crimes contre l'humanité commis durant la Seconde Guerre mondiale. Ces tribunaux pionniers ont posé les bases conceptuelles et procédurales des futures juridictions internationales.
Après une période de relative accalmie marquée par la Guerre froide, la question de la création d'une cour pénale internationale a refait surface un demi-siècle plus tard. Les atrocités massives commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda dans les années 1990 ont servi de catalyseur, incitant la communauté internationale à réagir avec force face à l'impunité. C'est dans ce contexte que les Nations Unies ont mis en place des tribunaux ad hoc pour juger ces crimes spécifiques.
II. Les Tribunaux Ad Hoc : Une Réponse aux Conflits Spécifiques
Face aux conflits armés des années 1990, le Conseil de sécurité des Nations Unies a créé deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc :
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) :
- Institué en février 1993 par la résolution 808 du Conseil de sécurité.
- Son siège est situé à La Haye, aux Pays-Bas.
- Sa compétence se limite aux actes commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991.
Le TPIY est compétent pour quatre catégories de crimes définies dans son Statut :
- Les infractions graves aux Conventions de Genève de 1949.
- Les violations des lois et coutumes de la guerre.
- Le génocide.
- Les crimes contre l'humanité.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) :
- Institué en novembre 1994 par la résolution 955 du Conseil de sécurité.
- Son siège est à Arusha, en République-Unie de Tanzanie.
- Sa compétence est limitée aux actes commis sur le territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur le territoire d'États voisins au cours de l'année 1994.
Le TPIR est compétent pour trois catégories de crimes :
- Le génocide.
- Les crimes contre l'humanité.
- Les violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et de leur Protocole additionnel II, qui énoncent les règles applicables aux conflits armés non internationaux.
Il est important de noter que la compétence du TPIY et du TPIR était concurrente à celle des tribunaux nationaux, ce qui signifie que les juridictions nationales pouvaient aussi juger ces crimes. Cependant, ces tribunaux ad hoc avaient la primauté sur les juridictions nationales, pouvant leur demander de se dessaisir d'une affaire à leur profit.
Dans le cadre de leur stratégie d'achèvement des travaux, les activités du TPIY et du TPIR devaient prendre fin au plus tard le 31 décembre 2014, conduisant à la création du Mécanisme des Nations Unies pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI) par la résolution 1966 du Conseil de sécurité du 22 décembre 2010. Le MTPI a pour rôle de continuer d'exercer un certain nombre de fonctions essentielles des deux tribunaux, telles que :
- La supervision de l'exécution des peines.
- La désignation des États où les personnes condamnées doivent purger leurs peines.
- Les décisions sur les demandes de grâce ou de commutation de peine.
- La protection des victimes et des témoins.
- La compétence pour juger les fugitifs encore recherchés par le TPIR.
Les deux divisions du MTPI sont en fonction depuis le 1er juillet 2012 (Arusha) et le 1er juillet 2013 (La Haye), et ont coexisté avec le TPIR et le TPIY jusqu'à ce que ces derniers concluent leurs affaires.
III. Les Tribunaux Mixtes et Chambres Spéciales : Des Approches Hybrides
Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) :
- Créé en 2000 en vertu de la résolution 1315 du Conseil de sécurité.
- Compétent pour toutes les violations du droit sierra-léonais et du droit international humanitaire (DIH) commises depuis le 30 novembre 1996.
- Il a la primauté sur les tribunaux nationaux de Sierra Leone.
- Un Tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone reprendra ses fonctions à sa fermeture.
Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) :
- Inauguré en mars 2009 en vertu de la résolution 1664 du Conseil de sécurité.
- Compétent pour juger les crimes relevant du Code pénal libanais en lien avec l'attentat du 14 février 2005 visant l'ancien Premier Ministre.
- Il est notable comme le premier tribunal international à juger des crimes conformément au droit national et à traiter le terrorisme en tant que crime distinct.
- Il siège à La Haye.
Parallèlement à ces tribunaux mixtes, des chambres spéciales ont été établies au sein de tribunaux nationaux dans plusieurs pays pour juger les responsables de crimes commis dans des contextes spécifiques :
- Timor-Leste (Chambres spéciales pour les crimes graves, 2000).
- Cambodge (Chambres extraordinaires, 2001).
- Serbie (Chambre chargée des crimes de guerre, 2003).
- Bosnie-Herzégovine (Section des crimes de guerre, 2005).
- Au Kosovo, les "Panels Règlement 64", établis en 2000, permettent à des juges internationaux de siéger aux côtés de juges nationaux pour juger des criminels de guerre.
Ces approches hybrides soulignent la volonté d'adapter les mécanismes de justice aux réalités locales, tout en bénéficiant de l'expertise et de l'impartialité internationales.
IV. La Cour Pénale Internationale (CPI) : Une Institution Permanente
La création des tribunaux ad hoc, bien que nécessaire, a mis en évidence le besoin d'une cour permanente pour juger les crimes internationaux les plus graves, évitant ainsi de devoir recréer une nouvelle instance pour chaque conflit. Une série de négociations après la Guerre froide a mené à l'adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) en juillet 1998.
Ce Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002, après avoir été ratifié par 60 pays. La CPI est une institution sans précédent : elle est la première cour pénale internationale permanente et fondée sur un traité. Son objectif est clair : mettre fin à l'impunité pour les auteurs des crimes les plus graves touchant la communauté internationale.
A. Le Principe de Complémentarité de la CPI
Un pilier fondamental du fonctionnement de la CPI est le principe de complémentarité. La Cour pénale internationale n'a pas pour rôle de remplacer les systèmes nationaux de justice pénale. Au contraire, elle est complémentaire de ces juridictions.
Les États ont une obligation incombant en vertu du droit international coutumier et des instruments de DIH existants d'enquêter sur les crimes de guerre commis par leurs ressortissants ou sur leur territoire, et d'en poursuivre les auteurs. Ils sont donc tenus de se doter d'une législation nationale permettant de remplir cette obligation.
En vertu du principe de complémentarité, la compétence de la CPI entre en jeu seulement lorsqu'un État n'a réellement pas la capacité ou n'a pas l'intention de poursuivre des criminels de guerre présumés qui relèvent de sa juridiction. La CPI intervient donc en dernier ressort dans les cas où un État s'abstient ou est incapable de s'acquitter convenablement de son obligation de poursuivre. Ce principe vise à rendre le système de répression plus efficace pour prévenir, mettre fin et sanctionner les crimes internationaux les plus graves.
B. Les Crimes relevant de la compétence de la CPI
Aux termes de son Statut, la Cour Pénale Internationale a compétence pour les quatre catégories de crimes les plus graves touchant la communauté internationale :
- Le crime d'agression.
- Le génocide.
- Les crimes contre l'humanité.
- Les crimes de guerre.
L'article 8 du Statut de Rome énumère de manière détaillée les crimes de guerre, incluant la plupart des infractions graves visées dans les Conventions de Genève de 1949 et le Protocole additionnel I. Il couvre également une série de violations graves du DIH, qu'elles soient commises dans un conflit armé international ou non international. Parmi les infractions spécifiquement qualifiées de crimes de guerre dans le Statut, on trouve :
- Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée ou toute autre forme de violence sexuelle.
- L'utilisation d'enfants de moins de 15 ans pour participer activement aux hostilités.
Le Statut contient également des dispositions concernant l'emploi de certaines armes dont l'utilisation est interdite par divers traités, comme le poison, les armes empoisonnées, les gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que les armes et méthodes de guerre causant des maux superflus ou des souffrances inutiles. Un amendement en 2010 à Kampala a étendu ces dispositions aux conflits armés non internationaux, applicable aux États l'ayant ratifié. Il est à noter que certaines infractions graves du Protocole additionnel I, comme un retard injustifié dans le rapatriement de prisonniers, ne sont pas spécifiquement mentionnées dans le Statut de Rome.
C. L'Exercice de la Compétence de la CPI
Les États qui deviennent parties au Statut acceptent la compétence de la CPI à l'égard des crimes mentionnés ci-dessus. Contrairement au TPIY et au TPIR, la CPI n'a pas la primauté sur les juridictions nationales.
La Cour peut exercer sa compétence à l'égard des individus et non des États. Les situations peuvent être déférées à la Cour de plusieurs manières :
- À l'instigation du procureur.
- Par un État partie, à condition que cet État soit l'État sur le territoire duquel le crime a été commis ou l'État dont la personne accusée est un ressortissant.
- Un État qui n'est pas partie au Statut peut, par déclaration, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence.
- Dans le cadre du régime de sécurité collective du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité peut déférer une situation au procureur pour enquête. Le Conseil de sécurité peut également demander qu'aucune enquête ni poursuite ne soit engagée ou menée pendant une période de douze mois renouvelable.
D. Procédure et Coopération avec la CPI
Le Règlement de procédure et de preuve de la CPI intègre des éléments du système inquisitoire pour contrebalancer certains inconvénients du modèle accusatoire majoritairement adopté. Par exemple, le procureur doit enquêter tant à charge qu'à décharge pour "établir la vérité". Une particularité notable de la CPI est que les victimes ont le droit de participer à la procédure et de demander réparation, et peuvent exposer leurs vues et préoccupations à tous les stades.
Les États ont une obligation expresse de coopérer avec la CPI. Cela inclut notamment la mise en place de procédures dans leur législation nationale permettant le rassemblement d'éléments de preuve ainsi que l'arrestation et le transfert des personnes accusées de crimes relevant de la compétence de la CPI.
En outre, en vertu du principe de compétence universelle, les États sont eux-mêmes tenus de traduire devant leurs tribunaux nationaux les personnes accusées d'infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et à leur Protocole additionnel I, ou de les extrader pour qu'elles soient jugées dans un autre pays, quelles que soient leur nationalité et le lieu où l'infraction a été commise. Les tribunaux nationaux conservent donc un rôle essentiel dans la poursuite des auteurs de crimes de guerre.
Pour assurer l'efficacité de la CPI, plusieurs mesures sont nécessaires :
- Les États devraient ratifier le Statut de la CPI au plus tôt, car une ratification universelle est indispensable pour que la Cour puisse exercer sa compétence efficacement.
- Les États devraient examiner et adapter leur législation nationale pour s'assurer qu'elle est conforme à leurs obligations au regard du DIH et que les crimes relevant de la CPI sont dûment pris en compte et réprimés au niveau national.
- Les États devraient s'aider mutuellement et prêter assistance à la CPI pour les procédures, y compris en complétant ou amendant leur législation pour permettre le transfert des personnes accusées et la communication d'éléments de preuve et de renseignements.
V. Le rôle du CICR face à la Justice Pénale Internationale
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) soutient tous les efforts visant à faire respecter le Droit International Humanitaire, y compris la prévention et la répression des crimes de guerre. À ce titre, il s'est félicité de la création des tribunaux ad hoc et a participé activement aux négociations qui ont conduit à la création de la CPI.
Cependant, le CICR ne participe pas aux procédures devant la Cour. Afin de protéger la confidentialité de son action humanitaire, le CICR jouit de l'immunité testimoniale (notamment au regard du Règlement de procédure et de preuve de la CPI). Par conséquent, il ne fournit pas d'éléments de preuve à la Cour, ni aux autres tribunaux.
Conclusion : Maîtriser les Enjeux de la Justice Pénale Internationale
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Par LOMBI MUFURI Franklin, doctorant en droit public et sciences politiques